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Transmission culturelle et parentalité : un binôme incontournable ? (2/2)

Par Marie Bonici

La parentalité comme ouverture culturelle

En tant qu’outil pour sensibiliser les enfants à des questions importantes, telles que l’écologie, une alimentation équilibrée, la sexualité et la protection contre les maladies sexuellement transmissibles, ou encore la connaissance d’autres cultures et la tolérance, la pratique de la parentalité apparaît alors comme un enjeu majeur de notre époque.

Les familles sont-elles égales face à l’offre de soutien à la parentalité ?

Ainsi, on peut se demander :
– si tous les parents ont connaissance de l’offre culturelle familiale disponible dans leur ville d’habitation, et si non, comment améliorer la diffusion de l’information ?
– si les parents, quelle que soit leur origine sociale et culturelle, se sentent concernés par ces dispositifs culturels4. Et si ce n’est pas le cas, de quelles manières les parents de différentes origines sociales se saisissent-ils de l’offre culturelle familiale et comment la Ville peut-elle les aider s’en saisir dans le cadre de la lutte contre les exclusions ?
– de quelle(s) manière(s) les hommes, alors qu’ils s’investissent de plus en plus dans la parentalité5, accompagnent leur(s) enfants(s) dans ces dispositifs ? Et encore, s’il existe des différences avec l’investissement des femmes ?
– si les thèmes abordés dans les offres de la Ville sont adaptés à la demande des parents et lesquels ils souhaiteraient aborder, pour proposer une véritable participation citoyenne.

Pour répondre à l’ensemble de ces questions, une étude peut être menée, en alliant qualitatif et quantitatif, une alliance indispensable pour finalement mesurer l’efficience des dispositifs proposés par la Ville.

Pierre BOURDIEU, 1979, La distinction : critique sociale du jugement, Paris, Minuit.
Marie-Agnès BARRÈRE-MAURISSON, 2004, « Masculin/féminin : vers un nouveau partage des rôles? », in Cahiers français, n° 322, septembre-octobre, pp. 22-28.

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Transmission culturelle et parentalité : un binôme incontournable ? (1/2)

Par Marie Bonici

La parentalité : un enjeu social

La parentalité et le soutien à la parentalité sont des préoccupations de plus en plus investies par les pouvoirs publics. Aujourd’hui les villes offrent un vaste choix d’aide à la parentalité, au travers de groupes de parole destinés aux parents, ou d’activités parents-enfants, pour venir en aide aux parents « dépassés »1 .
Faites pour soutenir les parents, ces activités peuvent-elles être envisagées sur un autre plan ?

Parentalité et socialisation primaire

L’exercice de la parentalité, en tant que mise en œuvre de pratiques et de rôles parentaux, se situe à plusieurs niveaux. Il recouvre non seulement le fait de prendre soin de l’enfant, de le protéger et de l’éduquer, mais il correspond aussi à la transmission de valeurs et d’une culture2.
La parentalité constitue ainsi l’outil principal de la socialisation primaire des enfants. Elle est aussi le moment privilégié du développement de la communication entre parents et enfants et ainsi des liens intergénérationnels.
Cette double dimension de socialisation et de communication est indispensable à envisager.

Socialisation primaire et intervenants extérieurs à la famille

La socialisation primaire n’est cependant jamais réalisée par les seuls parents : des tiers y participent, comme les générations antérieures3 et les collatéraux (oncles, tantes…) ainsi que l’ensemble des intervenants de la « Petite Enfance », sans oublier les médias de différentes sortes, tels que les livres pour la jeunesse, les émissions et les documentaires télévisés. Sans compter : les réseaux sociaux sur Internet…
S’ajoute encore l’environnement social et culturel des familles – constitué par l’Etat, et plus récemment la Ville et sa Politique. Les parents mobilisent ainsi les diverses activités culturelles qui leur sont proposées sur leur lieu d’habitation, pour communiquer avec leur enfant sur des sujets sensibles ou difficiles d’abord, comme le divorce, la mort ou encore la sexualité. Il en est de même en ce qui concerne la transmission de la culture, de la tolérance ou encore des valeurs démocratiques.

1 Voir à ce sujet le site de la ville de Paris et les différents services et activités proposés « Autour des familles ».
2François de SINGLY (dir.), 1991, La famille : l’état des savoirs, Paris, La Découverte.
3Martine SEGALEN, 1981, Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin.

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Analyse des pratiques. 1/ Les préalables

L’analyse des pratiques professionnelles est une ressource précieuse de mise en perspective et de compréhension collective des activités de travail dans une équipe ou pour des professionnels exerçant un même métier.
SeP propose dans cette série d’articles de détailler les préalables indispensables à sa mise en place, la manière dont elle est organisée et les formes qu’elle peut prendre et, enfin, ce qu’il est possible d’en attendre.

Un diagnostic préalable

La mise en oeuvre d’une analyse des pratiques professionnelles dans un organisme donné est conditionnée par SeP à la réalisation d’un diagnostic qui permettra, à la fois :

  • de déterminer la commande de la direction,
  • de définir la demande de l’équipe,
  • de fixer les objectifs de l’intervention avec les participants.

Une Charte de fonctionnement (définissant le contenu et les objectifs des ateliers) est établie avec les participants ; elle engage également la direction qui doit assumer le financement et libérer les salariés de leurs charges pour les réunions.

Un engagement solidaire des participants et de l’animateur

Un ensemble d’attendus peuvent utilement ressortir d’une analyse des pratiques professionnelles, à la condition sine qua non que quelques préalables soient strictement respectés.

En premier lieu, la participation à une analyse des pratiques est une démarche personnelle et volontaire qui s’inscrit dans la durée ; l’assiduité et la ponctualité de tous les participants est nécessaire.

Ensuite, cet engagement individuel s’accompagne d’un accord collectif autour du respect du point de vue de chacun et de sa parole.L’expression est libre, l’animateur assure qu’elle ne prend pas la forme d’un jugement de valeur ou d’un procès d’intention ; il régule systématiquement les écarts et facilite la circulation de la parole.

Enfin, l’animateur est garant de ce cadre et, à cette fin, il assure tous et chacun de la stricte confidentialité des échanges.

Pour autant, une analyse des pratiques peut donner lieu à une restitution à l’attention de la direction ou de l’encadrement de la structure quand elle concerne un organisme spécifique. Cette restitution concernera exclusivement les éléments de réflexion qui servent à l’amélioration du fonctionnement de la structure. Il appartient alors à l’animateur de définir la teneur de la restitution avec l’accord des participants.

Le don et le contre-don. 4/ Aujourd’hui, dans nos sociétés

Par Marie Bonici

Aujourd’hui, dans nos sociétés, ce système social existe toujours

Avec des règles différentes et des biens échangés différents, ce système d’échange existe encore dans nos sociétés. Par exemple, à Noël, quand on s’échange des cadeaux entre amis et au sein de la famille ou encore quand on invite quelqu’un qui nous a invité à dîner, ou quand on aide une personnes âgée dans l’idée que l’on doit aider les générations précédentes…

Et plus spécifiquement, Marcel Mauss a travaillé sur ce système du don et du contre-don dans l’idée de réfléchir sur les notions « d’aumône » et de « charité », très répandue à son époque. Les dames de charité d’alors donnaient l’aumône, qui correspond en fait à un don sans retour, ce qui est humiliant quand les pauvres reçoivent sans pouvoir rendre. Marcel Mauss critique ainsi la conception charitable de l’aide aux « démunis » (population « fragilisées » on dirait maintenant).

Son idée, sa volonté était de transformer la signification des politiques sociales et l’organisation des aides sociales. Qu’elles ne soient plus des « dons » faits aux « pauvres » par « largesse et grandeur d’âme » mais qu’elles deviennent une « contrepartie rendue aux travailleurs en échange du don qu’ils ont fait de leur travail » et pour lequel le salaire ne représente pas un contre-don suffisant : « ni les patrons, ni la société ne sont quittes envers eux après le versement du salaire » comme l’écrit Marcel Mauss.
On est loin du discours qui veut culpabiliser les personnes qui reçoivent des aides de l’Etat… Son analyse de ce système social préfigure au contraire le principe de la sécurité sociale et de l’aide sociale lesquelles, suite aux mobilisations et aux luttes, ont finalement été mises en place à partir des ordonnances des 4 et 19 octobre 1945.

Les risques de démantèlement actuel de la sécurité sociale ainsi que les discours culpabilisateurs envers ceux qui en bénéficient (nous tous ! pour la cohésion sociale !) participe à désorganiser ce système social d’échange bien plus ancien que le capitalisme, qui existe en dehors de lui et qui échappe à ses règles de profits et de rentabilité.

Pour résumer

Marcel Mauss montre donc que ce système social :

  1. est une pratique commune à l’humanité entière (sous différentes formes, quels que soient les objectifs/buts de ce système) ;
  2. permet de régler les échanges entre les générations, les sexes, les vivants et les morts, les hommes et les animaux, les hommes et les esprits… ;
  3. diffère selon les ressources, l’histoire, la dynamique de chaque société ;
  4. est « agoniste », ce qui signifie qu’il « oblige » celui qui reçoit, lequel ne peut se libérer que par un « contre-don ». Trois phases existent : l’obligation de donner, l’obligation de recevoir et l’obligation de rendre ;
  5. ce système inclut la notion de violence des sociétés humaines car il permet de la régler et peut-être, comme l’écrit Marcel Mauss, de la dépasser…

A la suite de Marcel Mauss, on dit que ce système d’échange est un « fait social total » – d’après son propre concept, lequel a prolongé celui de E. Durkheim du « fait social » – car, en plus d’engager la vie du groupe tout entier, comme l’a vu, il est aussi pluridimensionnel : il « mélange » toutes les fonctions sociales comme dit Marcel Mauss (c’est en cela qu’il est « total »). Sont présentes les dimensions culturelles, sociales, religieuses, symboliques et juridiques et ce système social ne peut jamais être réduit à un seul de ces aspects.

Pour aller plus loin :

  • Marcel Mauss, Essais sur le don, PUF, Quadrige, 2007 (1ère édition 1925)
  • Marcel Mauss, Œuvres. Volume III : Cohésion sociale et division de la sociologie, Paris, Minuit, coll. Sens commun, 1969.
  • Camille Tarot, Sociologie et anthropologie de Marcel Mauss, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2003.
  • Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat, Paris, éd. Gallimard, coll. Folio, 1999.